Si la plupart des belles pages de l’histoire de l’horlogerie se sont écrites en Suisse, il en est quelques-unes qui trouvent leurs racines de l’autre côté du globe. Au Japon, un petit horloger est devenu une immense manufacture, critiquée par les jaloux, mais reconnue par les connaisseurs.
Seiko est parmi les plus gros vendeurs de montres de ce début de 3e millénaire, notamment car il a su se placer sur tous les secteurs du marché. C’est donc un concurrent sérieux pour le haut de gamme et les marques telles que Junghans, Frederic Constant ou encore Jaeger LeCoultre, mais aussi pour l’entrée de gamme et les marques Swatch, Casio ou encore Daniel Wellington.
L’histoire de Seiko
C’est à Kyobashi, un quartier de Tokyo, que Kintaro Hattari ouvre un très modeste atelier où il répare les horloges. Nous sommes en 1877 et le jeune homme a alors tout juste 18 ans. Il aime son métier et il décide en 1881 de se diversifier en achetant et revendant des montres d’occasion. Les Tokyoïtes sont nombreux à se passer l’information et c’est très vite un petit succès.
Assez rapidement, il fabrique ses propres horloges et ses montres de poche. Il a alors 15 employés et avec des commandes de plus en plus nombreuses il doit doubler le nombre de mains qui travaillent pour lui. On est en 1892, et la petite firme prend alors le nom de Seikosha. Seiko signifie « exquis » mais également « succès » en japonais, il ne sait pas encore à quel point le nom est bien choisi.
À cette époque, la mère de l’horloger est en réalité la véritable patronne, elle s’appelle Haruko, et la légende dit que c’est elle qui s’occupait de management et du bien-être des employés, qui avaient forcément envie de faire du bon travail. Kintaro était quant à lui un visionnaire qui comprend rapidement qu’il peut devenir un pionnier du petit monde de l’horlogerie.
À cette époque, le Japon importe la plupart de leurs montres depuis les États-Unis, qui produisent de manière automatisée des montres mécaniques bon marché. Pour survivre, Seikosha doit alors fabriquer plus et plus vite, et il faut donc plus d’outils et de machines. Des demandes sont faites dans ce sens, mais les autorités refusent de donner les autorisations pour installer les machines dans ce quartier très peuplés.
Il faut donc déménager en 1893, pour s’établir à Yanagashima qui deviendra le cœur de l’industrialisation du pays. Une première machine est installée et elle augmente déjà beaucoup la production. Jusque-là, l’entreprise fabrique essentiellement des horloges, mais le fondateur sait que le futur est dans la montre.
La première montre de poche
C’est ainsi qu’en 1895, Seikosha fabrique sa première montre de poche totalement conçue dans ses ateliers. Il s’agit de la Time Keeper. Il lui donne un nom anglais parce qu’il veut déjà conquérir le reste du monde et pas seulement le Japon. Kintaro part alors en Europe et aux USA, où il découvre les différents modes de productions. Il comprend qu’étant donné le marché japonais, il ne peut pas travailler comme en Suisse et produire quelques exemplaires haut de gamme, mais il doit vraiment tout automatiser pour produire de plus en plus.
Les premières montres de poche de la marque se vendent très bien au Japon, et quelques modèles s’exportent sur les autres continents. L’entreprise est sur une bonne lancée, mais en 1904 Seikosha est réquisitionné pour fabriquer des amorces d’obus. Le Japon est en effet en guerre contre la Russie et Seikosha doit participer à l’effort de guerre. C’est finalement un mal pour un bien, puisque la compagnie fait des bénéfices en fabricant des munitions, et cet argent servira pour les investissement à venir.
La première montre-bracelet
Finalement, la guerre passée, la manufacture poursuit son chemin en produisant toujours plus de montres de qualité, et en accélérant la cadence. Il faut tout de même faire face à une concurrence de plus en plus rude dans le pays. C’est à cette période, en 1913 que Kintaro va fabriquer la première montre-bracelet du Japon : La Laurel.
C’est évidemment, un succès. Les Japonais adorent et la montre s’exporte plutôt bien. D’autres modèles verront le jour et Seikosha est alors prospère pendant 10 ans. Malheureusement, en 1923 un terrible tremblement de terre ravage une grande partie de Tokyo, 150 000 personnes sont tuées et l’entreprise est complètement détruite.
Cela dit, le Japon se relève très vite et il y a un effort de reconstruction jugé « phénoménal » par le reste du monde. C’est ainsi que Seikosha renaît en à peine un an, et propose dés 1924 une nouvelle montre-bracelet, cette fois vendue sous le nom de Seiko ! Les montres de poche continueront à porter le nom de Seikosha mais toutes les montres de poignet seront gravées Seiko.
Fidèle à ses origines, la famille Hattori décide de revenir dans le quartier de leurs débuts pour installer leur siège social. L’immeuble est toujours-là, et il appartient toujours à cette même famille. Il y a une grande horloge sur le building, et elle porte désormais le nom de « clocher Hattori ».
À partir de 1940, les innovations sont nombreuses. Seiko fabrique la première montre japonaise à 3 aiguilles, puis un an plus tard vient le premier chronographe de poche du pays. En 1942, l’entreprise met au point un chronomètre de précision destiné à la marine.
La guerre, puis un nouveau départ
Le conflit mondial est là, et à peine 22 ans après le tremblement de terre, ce sont cette fois les bombardements américains qui détruisent la ville et la manufacture Seiko. Une seule usine est restée debout, celle de Nagano à prés de 200 km de Tokyo. Il faudra cette fois plusieurs années pour s’en remettre, mais la société se relève et au début des années 50 Seiko cherche à proposer des modèles plus précis, et à ajouter des fonctionnalités nouvelles.
Les prochaines montres seront donc étanches, avec calendrier ou encore à remontage automatique. Très vite, Seiko rattrape son retard technique sur les géants européens de l’horlogerie. Toutefois, les ventes ont du mal à décoller, il manque encore un peu de technicité.
Des efforts considérables sont faits et à partir de 1957, de nouvelles montres plus techniques, plus précises et largement au niveau des montres suisses, sont conçues. En 1960, Seiko devient alors le principal exportateur de montre dans le monde. On l’accuse d’être à l’origine de la crise de l’horlogerie, mais comment en vouloir à une manufacture qui fabrique mieux et moins cher ? La Grand Seiko, est sublime et très précise.
La première montre à quartz
Les années 60 sont le théâtre d’une lutte acharnée entre suisses et japonais. En 1969, Seiko frappe un grand coup en dévoilant la toute première montre à quartz de l’histoire, la Seiko Astron. Le mouvement possède une précision qui n’avait encore jamais été mesuré à cette époque, et Seiko est donc juste avant 1970 l’horloger le plus précis au monde.
L’Astron est donc électronique, mais elle fonctionne toujours avec des aiguilles et le grand-public n’est pas vraiment emballé, le changement n’étant pas visible. Il faudra attendre 1973 pour voir se développer les premiers écrans à cristaux liquides, et la même année Seiko révolutionne le monde de l’horlogerie avec la première montre à affichage digital. Les aiguilles ont disparu, et un petit écran les remplace.
Le succès est évidemment total, et la réputation de la marque est au plus haut. Seiko fait partie des plus grands horlogers, c’est désormais une certitude. Il faudra ensuite de nombreuses années pour voir une nouvelle révolution. En 1989, le fabricant japonais propose la montre Kinetic 7M. Il s’agit d’une montre à quartz qui fonctionne sans la moindre pile et qui se recharge avec les mouvements du poignet. C’est encore une fois une première mondiale.
Quelques années plus tard, la montre Kinetic Auto Relay est présentée. Elle est très étonnante puisqu’elle peut « s’endormir » et se « réveiller » dans les 4 années suivantes. Elle n’utilise pas de piles et fonctionne donc aux mouvements du poignet. Cependant, lorsqu’elle détecte une inactivité de plus de 3 jours, elle se met alors en veille, mais elle continue de gérer l’heure pendant 4 ans. Les aiguilles s’arrêtent de tourner, mais la montre garde le compte. Lorsqu’on va bouger la montre, elle va reprendre de l’énergie, et les aiguilles se remettront à l’heure toutes seules.
Des innovations encore et toujours
Ces dernières années Seiko ne s’est toujours pas reposé, et propose encore et toujours de nouvelles montres innovantes. En 2002, la World Timer possède à la fois un cadran analogique et un cadran numérique. Elle peut afficher l’heure, la date et le jour de la semaine dans 28 villes du monde. Il y a un calendrier automatique qui fonctionnera jusqu’en 2050, un réveil, un chronomètre, et un économiseur d’énergie, le tout dans un boîtier étanche jusqu’à 100 m et un verre inrayable.
Aujourd’hui les montres Seiko allient à la fois design moderne et technologie de précision, et le groupe japonais est un des plus gros vendeurs de montres sur la planète. On trouve réellement des tocantes de la marque à tous les prix, et quel que soit le modèle, la précision et la robustesse sont toujours de la partie. Les nouvelles fonctionnalités sont de plus en plus nombreuses, avec notamment le GPS ou le solaire. Seiko est donc un géant de l’horlogerie, les modèles très haut de gamme ont autant de succès que les montres plus accessibles, et on peut imaginer facilement que cette grande histoire n’est pas prête de s’arrêter.